jeudi 26 juillet 2007

Première partie - L'amour - chapitre 2

Résumé de l'action : dans le chapitre 1, Saint-Sauveur vient d'être décoré à l'Académie. Il est venu avec sa compagne - une femme splendide nommée Delphine. Au cours d'une conversation, il a été invité par le Président Louche à venir déjeuner chez lui pour rencontrer quelqu'un qui pourrait l'aider à se lancer dans la politique.... le chapitre 2 présente le couple des Louche qui vient de rentrer de la soirée.....

***

Le président Louche, assis sur le rebord de son lit, enlevait ses chaussettes et les roulait en boule avec une application de premier de la classe.
Sa femme venait de passer sa robe de nuit verte-bleue-mauve retenue par une échappe tricolore héritée d'un lointain aïeul maire dans le Périgord, le regardait avec tendresse. Elle savait qu'il ne l'avait jamais trompé et cela donnait une complète assurance à son amour.
Elle aimait son sens de l'organisation et cela d'autant plus que, depuis quelques temps, les désordres de la vie de leur fille faisait perdre la tête au chercheur qui avait la réputation de l'avoir pourtant assez froide. La chambre était grande et noyée dans des draperies ; il y avait même du velours grenat passé sur le dossiers des chaises, signe qu'on appartenait ici à la noblesse du sang.
- Mon pauvre Marcel, dit elle, tu n'as pas besoin de ranger ainsi tes chaussettes, elle iront au linge sale de toutes manières. Le président Louche ne cilla pas et continua de rouler ses chaussettes en boule.
- Estelle n'est pas encore rentrée, dit-il d'une voix inquiète.
- Ne commence pas à te faire du mauvais sang, répondit sa femme, j'ai bien l'intention de dormir, moi.
- La dernière fois, elle avait bu. Voilà pourquoi elle a renversé le vase dans le couloir.
- Moi qui croyais que c'était juste pour me faire de la peine.
- Et bien tu vois que non.
- Ma fille me hait.
- Vous avez des difficultés à vous entendre, voilà tout.
- Même ses problèmes de santé. Quand je pense qu'elle t'en a parlé en premier.
- Oui, mais vous en avez discuté après.
- Mais je suis une femme. Et c'est ma fille. Elle aurait du m'en parler en premier.
- Calme-toi.
- Tu as beau jeu de dire ça. Et puis tu lui passes tous ses caprices. Sortir avec Fauret, ce sournois ! Marcel, je te le dis, rien ne viendra de bon d'un homme comme ça. Écoute donc ta femme, un peu. Il passe son temps à manipuler avec ces messieurs du parti. Ce garçon est dévoré d'ambition.
- C'est un très bon avocat.
- Peuh ! Il a réussi à ce que Mesnel n'augmente pas la pension alimentaire qu'il verse à cette gamine dont il a abusé et qui se retrouve mère à dix-sept ans. Et encore ! Il a fallu changer le Code civil, le Code pénal, la Procédure Civile et la Pénale, le Code Général des Impôts et fusiller douze Conseillers d'Etat pour cela…sans parler de la Cour de cassation qu'on a envoyée délibérer aux Maldives, tous frais compris ! Et le nouveau Conseil Républicain de l'Etat Tranquille Indivisible et National (C.R.E.T.I.N) à Agadir ! La ville de tous les désirs ! La ville de tous les soupirs ! Pour cela ! Je suis sûre que c'est un viol ! Et dire qu'il sera premier ministre. Vraiment, nous sommes dans de beaux draps. Voici la fin des haricots. Je ne sais plus qui disait ça, mais il avait raison.
- Fauret est très compétent, reprit le Président contrarié.
- Marcel, ne te laisse pas monter la tête par ces voleurs.
- Et que penses tu de Saint-Sauveur, demanda-t-il brusquement.
- Trop d'allure pour être un scientifique. Je ne sais pas ce qu'il a dans le ventre, ce petit. Marcel, je ne disais pas ça pour toi, dit-elle voyant que son mari avait arrêté de plier ses chaussettes à sa dernière phrase. Je pense juste que ce monsieur manque de concentration. Il a eu une intuition novatrice qui l'a porté très haut, mais je ne suis pas sûre qu'il ait de quoi donner corps à ses théories. Il est comme ces baudruches, attends qu'il se dégonfle. C'est un nerveux qui risque de se briser. C'est une espèce très courante aujourd'hui.
- Il n'a aucune ambition.
- Quelque chose me dit que la fille qui est avec lui en a pour deux.
- Pardon ?
- Elle a allumé tous tes collègues ! Les pauvres vieux n'en pouvaient plus !
- Bon, rien de grave à ça.
- N'empêche qu'il ne me revient pas, ton décoré.
- Ce n'est pas mon décoré.
- Il va venir ici ?
- Enfin ! Tu m'as entendu l'inviter, quand même ? C'est Estelle qui me préoccupe, pas lui. Où est elle, à cette heure ?
- Sans doute dehors.
- Ah ah ah ! Et avec qui ?
- Mais ton Edgar !
- Je ne comprends pas ce qu'il trouve à notre petite.
- Il lui trouve un père couvert d'honneurs et bien haut placé. Le sien est peintre en bâtiments, m'a dit Estelle.
- Tu vois le mal partout, reprit le Président.
- C 'est parce qu'il l'est.

***

To be continued....

Dans le chapitre 3, Estelle, la fille du couple Louche fait sa première apparition...